Patras est un lieu de transit. Cette ville portuaire à l’ouest de la Grèce, concentre de nombreux migrants, venus d’Afghanistan, d’Irak, d’Iran, d’Érythrée, de Somalie, du Soudan, de l’Algérie et du Maroc. Ils guettent le moment adéquat pour se cacher dans un camion afin de monter à bord d’un bateau pour l’Italie. Déterminés, mais confrontés à la peur d’être attrapés, ils attendent des mois, voire des années, pour passer cette étape de leur voyage clandestin. Tout en sachant que d’autres barrières les attendent sur la route d’une Europe rêvée, « Europa inch’Allah ». Avant d’appuyer sur le déclencheur il y a un long moment d’échange. Je tente de ne pas faire des images « d’eux » mais des images «avec eux» prises dans un processus de partage. Ma place ici est à la fois derrière et devant l’objectif, j’ai besoin de m’y immerger, de m’y retrouver dans ce contexte. Construites autour d’un mélange entre le style documentaire et la fiction, mes photographies cherchent à identifier les éléments nécessaires pour raconter une histoire. Des campements improvisés, des hôtels, des bateaux, des quais, des plages, des ruines, des cimetières, autant de lieux exposés dans cette série qui sont en réalité les espaces de vie des migrants de Patras. L’action et la situation tragique des individus ne sont pas mises au centre du propos, ces images privilégient davantage le témoignage, l’état psychologique et les traces laissées par ces passages clandestins.

Stephanos Mangriotis est un jeune photographe indépendant, co-fondateur du collectif Dekadrage. Ses origines grecques et sud africaines l’ont amené dès ses débuts à travailler autour des notions de frontière, identité et migration. Il a grandit à Athènes, étudié les mathématiques et la philosophie à Bristol puis la photographie à Paris. Désormais, il vit et travaille à Marseille.