Ce projet a été réalisé en 2016 au centre d’accueil des jeunes mineurs isolés étrangers, Louis Defond de Bréau et Salagosse, petite commune du Gard située dans les contreforts cévenols.   A leur arrivée sur le territoire français les jeunes mineurs sont pris en charge par le service social d’aide à l’enfance et sont ensuite placés dans des centres. Ils peuvent à l’aide d’un éducateur accomplir des démarches administratives et ont la possibilité de suivre une mise à niveau en français, matières générales et de choisir une spécialisation professionnelle comme la maçonnerie, la métallerie ou la peinture. La particularité du centre Louis Defond est qu’il se situe à 800 m d’altitude, non loin du Mont Aigoual, les conditions climatiques sont assez dures et ceci renforce son caractère isolé par rapport aux centres urbains. Ce hameau, restauré en 1947, devient un centre de rééducation, il accueille alors des jeunes garçons placés par la justice ou les services sociaux. Depuis 2013, le centre Louis Defond reçoit des jeunes mineurs isolés étrangers.  Les portraits ont été réalisés en argentique avec un Mamiya RB67. Je ne souhaitais pas faire un travail documentaire illustrant la vie du centre et les diverses scènes du quotidien. J’ai proposé à chaque jeune qui le souhaitait un protocole ; il s’agissait d’accepter de sortir du hameau et de marcher selon son envie, dans la direction de son choix, sur sentier ou hors sentier. Durant ce moment de marche, je proposais de placer un micro cravate relié à un enregistreur et invitais le jeune à s’exprimer, à laisser libre cours à ses pensées, réflexions et ce, tout en marchant, sans que je le questionne ou que j’intervienne. Au bout d’un temps de marche plus ou moins long, le jeune décidait alors de s’arrêter là où il souhaitait être photographié.   L’intérêt de ce protocole était d’extraire entièrement le jeune du lieu dans lequel il est accueilli, de le sortir de son contexte, de sa relation aux autres, au personnel encadrant, et de privilégier l’environnement extérieur, ici, la pleine nature. Cette particularité me semblait d’autant plus intéressante du fait du décalage qui s’opère avec le lieu d’origine du jeune. L’image vient alors comme un point de rencontre entre un ici et un ailleurs, un instant présent et un passé, qui s’entrechoquent et laissent beaucoup de doutes, de questionnements, de rêves, de peurs profondes, d’espoirs, de sensations d’exils et d’illusions, en suspens.